L’ordonnance du 24 avril 2019 a modifié le code du Commerce au travers de l’article 441-9 notamment, ajoutant 2 nouvelles mentions obligatoires, à savoir l’adresse de facturation du vendeur ou du client, si elles sont différentes de leurs adresses respectives et le numéro de bon de commande s’il est établi préalablement.
Pour information, les mentions à porter sur la facture au titre du droit commercial étaient préalablement indiquée dans l’article 441-3, qui reste applicable en l’état en ce qui concerne ces mentions jusqu’au 1er octobre 2019, c’est à dire dans 3 jours !
Malgré tout, les sanctions possible sen cas de non respect sont significatives (cf II de l’article 449-1 du Code de Commerce).
MAIS de quoi s’agit il exactement ! Malgré plusieurs demandes aux services de l’Etat en charge, aucune explication n’a été publiée à ce jour.
Cela peut sembler anodin, mais ajouter une adresse potentielle dans les factures, veut dire l‘ajouter dans les systèmes d’information des entreprises, l’ajouter dans les modèles de facture qui sont déjà très chargés (et une adresse, ça prend de la place), l’ajouter dans les formats d’échange de facture électronique, ce qui implique de refaire des tests pour chaque relation d’échange (car chaque fournisseur est susceptible de produire une telle adresse). De plus, cela nécessite aussi que les partenaires commerciaux s’informent mutuellement de l’existence en pratique de 2 adresses (l’adresse usuelle et l’adresse de facturation).
Il s’agit donc d’un process lourd et couteux, dont j’imagine que le législateur n’a pas eu totalement conscience.
Essayons donc d’abord de comprendre pourquoi ce sujet a fait surface et comment peut être aider à sa résolution. Tout d’abord, il est important de comprendre quelles sont les obligations en matière d’adresses dans une facture, ce qui relève de plusieurs domaines de droit.
Pour commencer, et c’est le plus connu, au titre du droit fiscal, la facture doit contenir les adresses du vendeur et de l’acheteur (article 10 et 20 du BOI-TVA-DECLA-30-20-20-10). Pour le vendeur, il s’agit a minima de l’adresse de son siège social qui est imposée en droit commercial par l’article R123-237 3° du Code de commerce. Cette adresse est d’ailleurs souvent dans le pied de page des factures papier ou PDF. Pour l’acheteur, ce peut être l’adresse du siège social ou celle d’un établissement secondaire.
Ces adresses participent, avec le nom de la raison sociale et les identifiants N° de SIREN / SIRET et N° de TVA (a minima pour le vendeur) à l’identification des parties et doivent donc être relatives à des établissements des entreprises (renseignées dans leur KBIS). Il peut être nécessaire aussi de renseigner l’adresse de livraison, si elle est différente de l’adresse ci-dessus (car elle peut impacter la territorialité et les règles de TVA).
Mais faisons un focus sur un cas d’usage qui se déploie de plus en plus : l’externalisation du traitement des factures chez un tiers. Ainsi, l’acheteur peut demander que ses factures soient transmises à une adresse spécifique, qui peut être un de ses établissements, mais aussi une structure juridique tierce (soit de son groupe soit externe). Et cela complique déjà pas mal les choses et apporte une certaine confusion. En effet, le destinataire des factures est le client, avec son adresse usuelle, mais la facture doit être transmise ailleurs. En papier, les solutions sont diverses :
- écrire une adresse différente sur l’enveloppe (fastidieux et fatalement manuel),
- remplacer l’adresse du client par l’adresse de facturation (mais la facture n’est plus conforme alors car il n’y a plus l’adresse du client),
- tenter d’écrire 2 adresses (en plus des autres) en faisant en sorte que seule l’adresse de facturation (c’est à dire où il faut transmettre les factures) soit visible dans la fenêtre de l’enveloppe.
Coté fournisseur, il arrive aussi que les factures soient créées par un tiers, dans le cadre d’un mandat de facturation, ou traitée et suivie par un tiers. Il est apparemment jugé important que ceci soit connu de l’acheteur dans les factures (ou bien le texte modifié a juste symétrisé l’obligation ci-dessus sans trop savoir à quoi ceci correspond coté vendeur !).
C’est de mon point de vue le sujet qui est visé par cette modification, essentiellement pour l’adresse de facturation de l’acheteur. Ceci impose donc que la visualisation des factures (papier ou PDF) soit en mesure de répondre à ce besoin. Il y a donc une nécessité de prévoir l’existence d’une adresse de facturation différente de l’adresse du client dans les systèmes d’information, puis dans les modèles de présentation des factures.
Mais qu’en est il lorsqu’on parle de facturation électronique, qui est obligatoire vers le secteur public, et se déploie vers le secteur privé, peut être plus vite que prévu si la France suit l’exemple italien dans les prochaines années comme c’est à l’étude en ce moment.
La facture étant transmise en électronique, il n’y plus lieu alors de gérer une adresse postale différente, ni de confusion possible sur l’adresse du client. Accessoirement, la Norme Européenne EN16931 n’a pas prévu 2 adresses pour le client. Il y a donc une difficulté majeure à renseigner cette adresse de facturation si elle est différente, à moins d’utiliser le champ de note qui permet déjà de renseigner les mentions commerciales (adresse de siège social, RCS, Capital social, forme juridique, ..).
Par contre la Norme a prévu une adresse électronique du vendeur et une adresse électronique de l’acheteur. Mais celles-ci n’ont pas forcément beaucoup de sens lorsque les factures sont transmises au travers de plateformes interopérées.
LES QUESTIONS qui ont donc été posées par le FNFE-MPE à la Direction des Affaires Juridiques de Bercy depuis juillet dernier, puis septembre et sans réponse à ce jour, et que je vous invite à diffuser pour qu’elle éveille ou réveille une préoccupation dans nos administrations en charge de contrôler mais aussi d’expliquer la réglementation, sont les suivantes :
- Quelles sont les motivations de l’ajout de l’adresse de facturation. Est ce pour adresser le cas où les factures sont transmises à une adresse différente de l’adresse usuelle du client. Des exemples de cas d’usage seraient bienvenus.
- L’adresse de facturation indiquée dans l’article 441-9 du Code de Commerce est elle nécessairement une adresse postale ?
- En cas de facturation électronique :
- peut on considérer que les adresses postales de facturation si différentes des adresses usuelles, n’ont pas de sens et qu’elles n’ont pas à être présentes dans les factures,
- est il alors nécessaire de renseigner dans les factures électroniques une adresse électronique d’émission et une adresse électronique de réception, sachant qu’il peut s’agir d’un simple identifiant dans une plateforme de facture électronique.
Vu les sanctions en cas de non respect à compter du 1er octobre 2019, prendre date sur le fait que la réglementation nécessite une explication pour pouvoir être mise en oeuvre au vu des coûts potentiels afférents, peut être salutaire.
Pour finir, je ne peux m’empêcher d’illustrer comment l’utilisation de Factur-X permet d’adresser cette problématique pour les factures électroniques. En effet, la version lisible de la facture PDF peut aisément contenir une adresse postale de plus, qu’il n’est pas nécessaire de renseigner dans le fichier XML de données attaché (car parfaitement inutile à l’automatisation du traitement), ce qui permet de ne pas modifier les programmes de création et d’intégration de fichier structuré de données de facture, et au passage ne nécessite pas de créer une extension au modèle de données juste pour cette adresse additionnelle.